dimanche 9 novembre 2008

La soirée la plus longue........


Comité des Amis Lyonnais au Hilton le 4 novembre 08, en compagnie de Jean-Luc Boujon (Europe1)


Par Yaël Chambon, le 9/11/8 , Diversité News

Dès que les résultats de l'élection américaine ont été connus, des commentateurs avertis ont aussitôt commencé à doucher les enthousiasmes. On nous répète en boucle qu'Obama ne résoudra pas tous les problèmes. C'est vrai, les miracles n'existent pas en politique. Mais les évolutions, si. Et celle-ci est un événement de premier ordre. Pourquoi ne pas se souvenir de la joie et de l'espoir qui sont nés pendant cette soirée du 4 novembre, qui restera pour certains un moment marquant, dont on aimera se rappeler tous les épisodes ?
En se rendant à la soirée organisée par l'association France-USA à l'hôtel Hilton, beaucoup se demandent si la donne du monde va être changée. Un métis peut devenir le 44ème président des Etats-Unis. Un homme de couleur à la tête du pays le plus puissant du monde ? On a beau en entendre parler depuis des semaines, des mois, on n'arrive toujours pas à y croire. Qui aurait pu prédire que les pays occidentaux étaient prêts à accueillir un tel bouleversement moins d'un demi siècle après la fin de la ségrégation ? Cette élection apparaît comme le symbole de l'effondrement des barrières raciales. Pendant un moment, tout devient possible, on reprend un peu confiance dans le genre humain. On pense à tous les fils et filles d'esclaves qui vont peut-être pouvoir retrouver espoir et estime d'eux-mêmes.
Mais on doute encore. Il faudra attendre de longues heures avant d'être sûr. Plus d'un millier de personnes ont été invitées à cette soirée très spéciale. Dans la salle principale, un orchestre où dominent les violons joue les premières notes d'une nuit capitale. De l'autre côté de la pièce, des ordinateurs permettant de voter pour son candidat favori sont mis à la disposition des convives. A Lyon, loin de Washington et de Dallas, quelle est la tendance ? « Obama va gagner largement, de 10 points », nous confie Jean-Claude Lassalle, directeur du Progrès. Et sans hésiter devant le jeu de mots, il ajoute que « le rêve américain se conjugue avec le progrès » que, pour lui, seul le candidat démocrate semble être en mesure d'apporter.
Un peu plus loin, près de la scène, Yves Henry, résume la pensée générale: « Je souhaite qu'Obama gagne. Il a un gros charisme et apportera le changement dont le monde a besoin ». Les résultats internes à la soirée confirment cette orientation : 83% des votants ont choisi Obama, contre 12% pour Mc Cain.
Il faut maintenant découvrir où sont ces 12% de supporters républicains. Après plus d'une heure de recherche, aucun résultat. L'effet Bradley agirait-il aussi en France? Enfin, un partisan de Mc Cain, Michel Dulac, accepte de révéler un point de vue très minoritaire. Il se déclare inquiet du manque d'expérience en politique du sénateur de l'Illinois. Puis il pousse la critique plus loin, et les accusations commencent à pleuvoir. « L'argent qu'Obama a récolté pour financer sa campagne ne lui est pas tombé du ciel. Il a clairement été financé par des réseaux terroristes. En France, nous sommes plus attentifs aux parcours de nos hommes politiques pour des raisons de sécurité nationale. Imaginez que dans 10 ans soit élu un président d'origine maghrébine en France. Il y aurait un problème ».
Des propos qui ont le mérite de la franchise. Mais, après tout, les Français qui ont mis une telle énergie à soutenir Obama sont-ils vraiment prêts à placer à la plus haute fonction de l'état une personne issue de la diversité ? Si on les interroge, les avis sont une nouvelle fois unanimes. Tout le monde, ou presque, affirme qu'il est prêt à voter pour une personne de couleur, mais dans les sphères politiques actuelles, il n'y en a pas. Le visage politique français reste bien pâle. Et comme le dit si bien DjidaTazdait, secrétaire nationale du parti radical, il n'y a qu'une seule chose qui compte : « révolutionner les mentalités, démocratiser la présence de personnes de couleur au sein de l'élite politique ».
Vers 1h du matin, dans le bourdonnement des conversations politiques où tout le monde paraît passionné et prêt à refaire le monde, la nouvelle commence à se répandre : le Hilton ferme ses portes. Changement de cap, et direction le Piano Bar le Cintra, pour assister aux dernières heures de cette course à la Maison Blanche.
Le Cintra dans une ambiance électrique.
Ambiance cosy, fauteuils profonds, tables en bois, et surtout un pianiste qui enchaîne les morceaux de Jazz. Mais tous les regards sont tournés vers l'écran géant placé au fond du bar, sauf ceux d'un petit groupe que rien ne détourne de la mélodie et du vin qui l'accompagne. Vers deux heures du matin, juste avant la première série de résultats, les esprits s'échauffent. Et si Obama perdait ? Les discussions et les calculs reprennent. Les uns évoquent l'effet Bradley, d'autres les fraudes électorales.
Les premiers résultats tombent enfin. 15 états viennent de fermer leurs bureaux de votes. Des explosions de joie éclatent dans la foule, « Obama a la Floride, c'est gagné ». Mais d'autres voix s'élèvent pour rappeler qu'il y a encore 4 états clés, et qu'il faudra encore attendre un peu pour sabrer le champagne. Pourtant, pour beaucoup, la victoire est déjà acquise. Ils ne parlent déjà plus du résultat, mais des défis que le candidat démocrate aura à relever. « J'attends de lui qu'il redonne confiance aux gens. A travers, par exemple, des incitations fiscales qui les poussent à la consommation. On ne coupera pas à une intervention étatique au vu de la situation actuelle », analyse Neil, un Franco-Américain. Quand soudain, arrivent les deuxièmes résultats de la soirée : l'Ohio est démocrate. Une sorte d'hymne s'élève dans le bar, composé des trois mots symboles de la campagne d'Obama : « Yes, we can ».Les premières images de liesse parviennent des Etats-Unis, où des foules en délire scandent « Obama, Obama...» avec tant d'énergie que l'on entend à peine les commentaires des journalistes sur place.
Mais le Cintra doit fermer, lui aussi. Il n'y aura pas de nuit blanche pour fêter cet événement incroyable : les Etats-Unis ont choisi un homme noir pour être leur président. La victoire de Barack Obama restera dans l'histoire comme un tournant décisif, un mur qui tombe, une porte qui s'ouvre vers une plus grande égalité de chances pour tous, quelle que soit leur origine

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