vendredi 31 octobre 2008

Une puissance africaine en devenir



Publié dans La Lettre Diplomatique n° 82 Deuxième trimestre 2008
S.E.Mme / H.E. Tadelech HAILE MIKAEL
Située au cœur d’une Corne de l’Afrique fragilisée par des conflits successifs, en proie au terrorisme et aux crises alimentaires, l’Ethiopie fait figure de puissance régionale. Près d’un an après les célébrations du deuxième millénaire, S.E.Mme Tadelech Haile Mikael, Ambassadeur d’Ethiopie en France, décline pour nous ses aspirations en faveur de la stabilité et du développement économique de la plus ancienne nation africaine.

La Lettre Diplomatique : Madame l’Ambas-sadeur, l’Ethiopie a célébré en septembre 2007 ses deux milles ans d’existence. Quelle signification pouvez-vous donner à ces célébrations ?

S.E.Mme Tadelech Haile Mikael : L’Ethiopie a célébré son millénaire le 12 décembre 2007. Ce décalage de huit ans s’explique parce que le calendrier éthiopien correspond au calendrier julien, dont l’année couvre une période allant du 11-12 septembre 2007 au 11-12 septembre 2008 du calendrier grégorien.
Notre pays est considéré comme le berceau de l’humanité. La valeur des richesses historiques et culturelles de l'Ethiopie ne font pas seulement la fierté des Ethiopiens mais de l’Afrique toute entière. Elle représente un patrimoine exceptionnel qui joue, en effet, un rôle clé dans la connaissance des origines de l’homme. C’est pour ces raisons que l’Union africaine et l’UNESCO ont décidé d’adopter le millénaire éthiopien en tant que millénaire africain.
L’Ethiopie saisit également l’opportunité de ces célébrations non seulement pour valoriser son image et consolider ses liens d’amitié avec tous les pays du monde, mais également pour promouvoir le continent africain. De plus, le millénaire représente une occasion de faire valoir les atouts propres à notre pays en vue d’attirer de nouveaux investissements étrangers et de développer notre secteur touristique. En quelques mots, notre objectif est donc de promouvoir à travers ces célébrations, la visibilité de notre pays en France et dans les autres pays européens.

L.L.D. : Après avoir été prisonnière de conscience pendant douze ans, vous vous êtes beaucoup impliquée en faveur de la situation de la femme dans votre pays, en assumant notamment deux portefeuilles ministériels relatifs à cette question entre 1993 et 2002. Eu égard à votre expérience personnelle, quel regard portez-vous sur l’évolution de la société éthiopienne et, plus particulièrement, sur la place de la femme en son sein ?

S.E.Mme T.H.M. : L’absence de démocratie et la dictature militaire ont en effet engendré l’arrestation, la disparition et l’exécution de plusieurs personnes en Ethiopie. La fin de la dictature en 1991 a représenté pour moi, comme pour de nombreuses autres victimes de la junte, un moment historique puisque c'est cette année là que j'ai été libérée après de longues années d'emprisonnement. L’Ethiopie a pu ensuite se consacrer pleinement à son développement socio-économique et politique.
D’une manière générale, le développement requiert la participation de l’ensemble de la population et surtout celles des femmes qui représentent 50% de la population éthiopienne. Cette cohésion nous a permis d’atteindre nos objectifs, à savoir l’instauration d’une bonne gouvernance, le développement du pays et le maintien de la paix.
Qui plus est la question de la Femme en Ethiopie est devenue un sujet central. A la faveur des articles 35 et 36 de la constitution éthiopienne, le droit des femmes et des enfants est devenu le point de départ d’une politique dans ce domaine. Ce mécanisme institutionnel nous permet d’intégrer les questions de la femme dans tous les projets et programmes de développement du pays. Le rôle de la femme dans l’essor du pays occupe ainsi une place primordiale pour préserver la paix, tant au niveau de la famille qu’au niveau de la communauté.

L.L.D. : A l’été 2007, les autorités éthiopiennes ont libéré certains dirigeants et militants des deux principaux partis de l’opposition arrêtés lors des tensions post-électorales de 2005. Cette initiative marque-t-elle, selon vous, une nouvelle avancée de la démocratisation de votre pays ? Pour quels motifs ces partis ont-ils toutefois décidé de boycotter les élections locales en avril dernier ?

S.E.Mme T.H.M. : Dans notre histoire politique, les élections de 2005 ont marqué une nouvelle avancée vers la démocratisation de l’Ethiopie. Ce scrutin a également constitué un défi pour notre pays. De mon point de vue, la démocratie en Afrique ne doit pas seulement se limiter au bon déroulement des élections en général, mais elle doit aussi permettre d’œuvrer en faveur du développement politique, socio-économique et culturel d’un pays. Le boycott d’une élection n’est pas une solution qui favorise le progrès de la démocratie, mais une obstruction à son épanouissement. En fait, les représentants des différents partis de l'opposition n’ont pas su saisir cette opportunité pour se faire entendre et ont plutôt préféré opter pour ce que je qualifierais de « solution simpliste » : le boycott. Or, ce n’est pas par ce biais que l’on peut porter à la connaissance de la population les points de vue et les programmes politiques des différents partis, mais grâce aux débats au sein de l’Assemblée nationale.

L.L.D. : Affichant une croissance oscillant autour de 10% depuis quatre ans, l’Ethiopie se place en tête des économies non-pétrolières les plus dynamiques d’Afrique. Comment définiriez-vous les atouts de la stratégie de développement poursuivie par le Premier ministre Meles Zenawi ? Au-delà des performances de l’agriculture éthiopienne, dans quels autres secteurs votre pays peut-il diversifier ses sources de revenus et accroître sa compétitivité ?

S.E.Mme T.H.M. : L’Ethiopie figure en effet parmi les pays non producteurs de pétrole étant parvenus à atteindre une croissance économique de 10% au cours de ces dernières années. Mais pour atteindre de tels résultats, il a été essentiel d’élaborer une stratégie de développement efficace s’appuyant étroitement sur les réalités du pays. Les initiatives adoptées en matière de décentralisation politique et de réforme économique ont en effet permis à l’Ethiopie d’instaurer un climat favorable pour l’essor des régions qui composent le pays. Les différentes ethnies et les femmes en particulier ont réussi à trouver leur place dans ce processus pour définir leurs besoins et participer pleinement au dynamisme du pays. C’est en fait la diversification de la stratégie de développement dans tous les secteurs d’activité qui a permis à l’Ethiopie d’enregistrer un tel rythme de croissance économique.
Il existe actuellement beaucoup d’opportunités pour les investisseurs étrangers en Ethiopie, notamment dans les secteurs de l’agro-industrie, des infrastructures routières, de la production de matériaux de construction, dans l’hôtellerie et pour la création de PME-PMI, etc... L’environnement des affaires est largement favorable aux entrepreneurs. Le code de l’investissement est très clair à cet égard. Un processus de privatisation a également été mis en œuvre dans certains secteurs de l’économie. En somme, je pourrais résumer comme suit les conditions favorables à l’investissement en Ethiopie :
- Le potentiel du marché : avec plus ou moins 75 millions d’habitants, l’Ethiopie peut être considérée comme une terre d’accueil rentable pour les investissements.
- Le climat : une grande diversité géographique comprenant dix-huit zones écologiques et cinq zones climatiques permettent d’exploiter différents types de cultures. L’agriculture et les industries agro-alimentaires demeureront de ce fait pour longtemps des secteurs prioritaires du développement économique du pays.
- Des atouts majeurs : l’Ethiopie a la particularité d’offrir l’un des climats des affaires les plus transparents parmi les pays en développement. Au sein du groupe des PMA (pays les moins avancés), il s’agit peut être de l'un des pays qui affichent les plus faibles taux de corruption administrative. Les crimes sont également rares et le niveau de sécurité des personnes et de la propriété est élevé.

L.L.D. : A la faveur des projets d’infrastructures et du programme de privatisation du gouvernement, de nouvelles opportunités se font jour en faveur de l’essor du secteur privé et, plus précisément, des investisseurs étrangers. Comment décririez-vous le processus d’ouverture de l’économie éthiopienne ?

S.E.Mme T.H.M. : Durant la dictature, entre 1975 et 1991, puis les premières années de la transition, l’Ethiopie a beaucoup souffert sur le plan social mais aussi économique. Le régime militaire avait étatisé tous les secteurs de l’économie. La mise en place de monopoles d’Etat s’est d’ailleurs ressentie sur le niveau des prix en général.
Dans ces conditions, le gouvernement s’est engagé dans un processus de développement dont il faut comprendre qu’il est mis en œuvre progressivement. L’ouverture du marché a ainsi été engagée, tout d’abord par l’octroi de licences commerciales, par l’adoption d’un code des investissements, mais également au travers d’une stratégie commerciale avec l’organisation de foires commerciales dans différents secteurs d’activités. Des progrès ont également été accomplis pour améliorer l’environnement des affaires. Un code sur la propriété intellectuelle a par exemple été adopté et je tiens à souligner que le gouvernement manifeste dans ce domaine une réelle volonté, en collaboration avec des organisations comme l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) qui a d’ailleurs installé un bureau de représentation en Ethiopie.

L.L.D. : Au-delà des performances de son secteur agricole, votre pays reste vulnérable aux crises alimentaires. Quelles sont les priorités pour consolider l’économie éthiopienne ? Dans quels secteurs votre pays peut-il accroître sa compétitivité, notamment en vue des projets de privatisation prévus par le gouvernement ?

S.E.Mme T.H.M. : Pour renforcer la sécurité alimentaire, l’une des principales priorités du gouvernement demeure le renforcement du réseau d’infrastructures routières et de voirie en général. L’Ethiopie étant un pays très montagneux, les difficultés d’accès à certaines régions lors des périodes de sécheresse rendent urgentes les avancées de ce programme routier. Un nouvel élan est également donné au développement du pays par le biais du processus de décentralisation et de la consolidation des pouvoirs des régions afin d’encourager et faciliter leur participation au dynamisme économique de l’ensemble du pays. C’est une démarche qui s’avère d’ailleurs positive et, au-delà, qui contribue à renforcer le sentiment d’appartenance nationale.
L’essor de l’agro-industrie constitue également une autre priorité de la politique économique conduite en Ethiopie. Des mesures ont par ailleurs été prises pour favoriser l’essor de secteurs d’activité comme l’horticulture. L’Ethiopie est un pays agricole. 85% de la population vit directement ou indirectement de la culture de la terre. Nous sommes aujourd’hui le premier exportateur africain de café. 50% de nos exportations agricoles, notamment de viande, sont destinées aux pays du Moyen-Orient. Cet aspect de notre économie est d’ailleurs particulièrement intéressant et certains investisseurs ont bien compris l’atout géographique dont dispose notre pays, au cœur de l’Afrique de l’Est et aux portes du Moyen-Orient, offrant ainsi autant de débouchés commerciaux au-delà de nos frontières.
Pour répondre à votre deuxième question, un certain nombre de privatisations ont en effet été lancées. Il reste aujourd’hui de grands monopoles publics, notamment dans le domaine des télécommunications et des banques. L’une des principales préoccupations du gouvernement reste toutefois de maintenir un équilibre entre les entrepreneurs nationaux et les entrepreneurs étrangers. Ce processus implique donc d’avancer étape par étape, afin de préparer l’économie éthiopienne à accueillir les investisseurs étrangers dans des conditions de concurrence équilibrées.
Le secteur bancaire a, par exemple, déjà été ouvert aux investisseurs nationaux et il présente aujourd’hui un paysage relativement diversifié. L’ouverture aux investisseurs étrangers interviendra sans doute prochainement. C’est également le cas du secteur des télécommunications. Ce secteur connaît aujourd’hui un fort développement. Si les premières entreprises étrangères a être venues s’implanter étaient suédoises, le marché éthiopien intéresse de plus en plus des entreprises japonaises, chinoises et même françaises avec Alcatel. France Télécom a récemment conclu une coopération au titre de l’aide publique au développement avec la compagnie nationale ETC.

L.L.D. : Le conflit interne en Somalie, où les troupes éthiopiennes sont intervenues pour soutenir le gouvernement fédéral de transition (GFT) et les tensions latentes entre votre pays et l’Erythrée font de la Corne de l’Afrique une zone extrêmement fragile. Comment évaluez-vous le poids de l’instabilité régionale sur l’Ethiopie ?

S.E.Mme T.H.M. : Je dois dire que dans un contexte plutôt instable de part et d’autre de la Corne de l’Afrique, notre pays reste relativement épargné, grâce avant tout à l’intérêt que partage l’ensemble de la population, dans toute sa diversité, à maintenir sa cohésion en faveur du développement du pays. Cet intérêt repose d’ailleurs sur un véritable sentiment d’appartenance national, résultant pour une large part du patrimoine immatériel de l’Ethiopie, riche d’une longue histoire qui demeure encore profondément ancrée dans l’esprit des Ethiopiens.
L’intervention de l’armée éthiopienne en somalie a cependant un coût, mais le coût de la stabilité se révèle bien plus important.
L’arbitrage du contentieux frontalier avec l’Erythrée a également un coût, si l’on considère ce que représente la cession d’une ville comme Badmé qui, historiquement, fait partie intégrante de l’Ethiopie, et auquel il faut ajouter les pertes humaines du conflit qui a opposé les deux pays à la fin des années 1990.

L.L.D. : Avec l’effondrement de l’Etat de droit en Somalie, la Corne de l’Afrique est devenue depuis le 11 septembre 2001 une zone stratégique de la lutte contre le terrorisme. Comment percevez-vous la situation en Somalie et, plus particulièrement, la menace que posent encore les groupes terroristes sur la sécurité de la région ?

S.E.Mme T.H.M. : Je tiens tout d’abord à souligner que notre région n’a pas découvert la menace du terrorisme avec le 11 septembre 2001. Bien auparavant, des attentats terroristes ont été commis comme en 1996, contre le Président égyptien Osni Moubarak.
L’Ethiopie a été entraînée dans le conflit inter-somalien. Dès avant l’hiver 2006, des infiltrations terroristes en territoire éthiopien ont obligé le gouvernement à réagir. Notre pays avait-il le choix ? Il ne pouvait attendre qu’une force multilatérale soit mise en place, dont on voit aujourd’hui qu’elle requiert au-delà de la volonté politique, des moyens financiers et logistiques.
L’ensemble des pays concernés par ce conflit est aujourd’hui satisfait de l’intervention de l’Ethiopie en Somalie. La formation du gouvernement provisoire somalien a été soutenue par l’Union africaine, les Nations unies et l’Union européenne. L’ensemble des partenaires sont également conscients qu’ils portent le fardeau de la lutte contre le terrorisme dans la Corne de l’Afrique. Nous avons à cet égard établi une coopération avec les Etats-Unis, notamment en matière de renseignement et d’échanges d’information.
Une certaine stabilité a été restaurée en Somalie avec le rétablissement des institutions de l’Etat. Je crois que les organisations terroristes sont aujourd’hui sérieusement affaiblies, même si l’on ne peut écarter aucun risque de reprise d’un conflit de large envergure comme ce fut déjà le cas. De plus, les discussions qui se sont tenues récemment à Djibouti ont ouvert certaines perspectives pour la reprise du dialogue et peut-être d’une réconciliation, même si les éléments les plus durs de l’opposition au gouvernement provisoire somalien restent hostiles à un compromis pacifique. Mais, je pense vraiment qu’il existe maintenant une opportunité de relancer le dialogue inter-somalien.

L.L.D. : Avant de prendre vos fonctions à Paris, vous avez assumé celles d’Ambassadeur d’Ethiopie en Côte d’Ivoire au moment où ce pays traversait une grave crise politique. Au-delà de ce cas et tenant compte de la situation du Darfour, quelle est votre vision des fragilités politiques, économiques et sociales à la source des conflits africains ?

S.E.Mme T.H.M. : La crise en Côte d’Ivoire a justement commencé quelques mois après mon arrivée en qualité d’Ambassadeur d'Ethiopie à Abidjan. Mais je tiens en premier lieu à souligner que les conflits en Afrique revêtent plusieurs dimensions. Ils peuvent découler tant de conditions intérieures que du contexte extérieur. La diversité ethnique et l’existence de multiples cultures régionales au sein d'un même pays représentent en général un atout, mais elles peuvent aussi se manifester comme un défi en l’absence d’une bonne gouvernance. Tous ces conflits, que ce soit en Côte d’Ivoire, dans la région du Darfour, en Ethiopie, etc… sont cependant la cause du manque de développement économique. Pour lutter contre la pauvreté endémique, l'Afrique a donc tout d’abord besoin d'une paix durable. L’insuffisance d’institutions à la hauteur de la démocratie ne facilite pas la tâche de ce point de vue. Avec le phénomène de mondialisation, il est toutefois devenu tellement simple d’exagérer les problèmes lorsqu’il s’agit de l’Afrique. Par conséquent, l’absence de paix en Afrique peut aussi constituer un problème en Europe ou ailleurs. Ces défis doivent être appréhendés dans un contexte global.

L.L.D. : Votre pays a été élu le 25 octobre 2007 membre du Conseil exécutif de l’UNESCO auprès de laquelle vous assurez également les fonctions d’Ambassadeur, Délégué permanent de l’Ethiopie. Quels doivent être, selon vous, les priorités du programme de travail de l’UNESCO pour la période de 2008-2009 ? Comment s’articule la coopération entre votre pays et l’UNESCO, notamment en vue de l’accomplissement des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et en particulier des objectifs de Dakar concernant l’Education pour tous ?

S.E.MmeT.H.M. : Pour accomplir les Objectifs du millénaire et, plus particulièrement, celui d’une « Education pour tous », l’UNESCO a mis en exergue sa volonté de donner la priorité au travail des institutions (comme l’Initiative pour la formation des enseignants en Afrique subsaharienne ou TTISSA) visant à permettre à l’Afrique d’accomplir ses objectifs. L’UNESCO doit en effet se concentrer sur cette priorité en Afrique. L’Union africaine a, pour sa part, axé ses efforts dans les domaines de la résolution des conflits et de l’éradication de la pauvreté et des maladies pandémiques comme le paludisme et le VIH/SIDA. Toutefois, la stabilisation de certaines zones où les tensions perdurent demeure une nécessité fondamentale.
L’ancrage d’un processus de développement et d’un climat de paix durables en Afrique constitue par ailleurs une donnée essentielle pour enrayer le phénomène d’immigration non souhaité par les pays du Nord. C’est un sujet d’actualité qui sature actuellement la politique mondiale. Le développement économique de l’afrique requiert pour cela l’apport d’investissements permettant l’exploitation de ses diverses richesses, aussi bien que la création des emplois dont a besoin la jeunesse du continent. C’est ce que l’Union africaine et la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (UNECA) souhaitent accomplir. Comme beaucoup de pays africains, l’Ethiopie s’est fixée en ce sens comme objectif principal l'éradication de la pauvreté par l’essor de son économie, processus qui inclut une forte participation de ses partenaires.

L.L.D. : La France a adopté en février dernier une convention fiscale avec l’Ethiopie complétant l’accord d’encouragement et de protection réciproque des investissements. Dans quels secteurs d’activités les opportunités d’intensification des échanges économiques bilatéraux vous paraissent-elles les plus prometteuses ?

S.E.MmeT.H.M. : La Chambre des représentants du peuple de l'Ethiopie a en effet ratifié l’accord d’encouragement et de protection réciproque des investissements signé entre les deux pays en mai 2008. Cet accord permet de faciliter et simplifier les démarches pour que les entreprises françaises investissent dans l’économie éthiopienne.
Les investissements français sont d’ailleurs attendus dans différents secteurs d’activités porteurs comme l'agro-industrie, les mines, la construction de routes ainsi que dans le tourisme. Déjà implanté en Ethiopie, le groupe Accor est, par exemple, en train de construire son premier hôtel à Addis Abeba. De même, il existe de nombreuses opportunités pour les investisseurs français qui souhaitent s’impliquer dans le secteur du cuir (chaussures et vêtement). Il faut bien comprendre que l’Ethiopie représente un grand marché et un carrefour reliant l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie. Tout investisseur français sera toujours le bienvenu dans notre pays.
Concernant la relation bilatérale, je tiens à souligner que l’Ethiopie et la France jouissent de très bonnes relations diplomatiques qui méritent de s’intensifier au-delà du dialogue politique, pour progresser dans les domaines économique et culturel, et qui s’illustrent notamment au travers des jumelages qui existent dèjà entre nos villes et nos institutions. Notre pays est également en train de préparer son adhésion à l’Organisation internationale de la Francophonie en qualité de membre observateur. La situation actuelle présente donc tous les facteurs positifs et encourageants ouvrant la voie à un avenir encore meilleur.

L.L.D. : Pouvez-vous d’ores et déjà anticiper un intérêt accru des entrepreneurs français pour le marché éthiopien ?

S.E.Mme T.H.M. : Le potentiel le plus prometteur de la coopération économique entre l’Ethiopie et la France réside dans des secteurs comme l’agro-industrie, où des opportunités existent aujourd’hui notamment dans la chaîne de production de viande, mais aussi l’horticulture où des entreprises françaises sont déjà présentes, ainsi que dans le secteur des infrastructures.
Mais pour intensifier ces échanges, il est désormais nécessaire de prendre de la distance par rapport aux concepts dépassés tels que, par exemple, la distinction faite entre Afrique francophone et anglophone, qui s’est beaucoup estompée surtout si l’on raisonne en terme de potentiels d’investissement. De plus, n’ayant pas vécu la colonisation ou subit de profonde influence extérieure, l’Ethiopie ignore la notion de partenariat privilégié au sens traditionnel de ce terme.
L’intérêt des entreprises françaises tend en effet à se faire ressentir davantage. Mais il existe aussi un fort intérêt en Ethiopie à l’égard du savoir-faire français dans certains domaines et, plus largement, en vue de développer les échanges commerciaux avec la France. Je dois cependant préciser que ces prédispositions ne se sont pas encore traduites de manière réellement significative. Les investisseurs les plus actifs sont aujourd’hui les entreprises asiatiques, notamment les entreprises chinoises, indiennes et japonaises, même si notre pays cherche à se doter du plus vaste éventail de partenaires possible.
Je voudrais également évoquer la question de l’image qui a été étiquetée à notre pays. L’Ethiopie d’aujourd’hui n’est plus la même que celle de la fin de la dictature militaire. Elle a souffert, entre le milieu des années 1970 et 1991, de la mal-gouvernance et de l’isolement, se retrouvant de fait écartée des grands progrès notamment technologiques accomplis à travers le monde durant cette période. Or, le régime qui gouvernait alors l’Ethiopie ne se focalisait que sur le maintien et le renforcement de l’unité nationale et de l’intégrité du territoire, délaissant le développement du pays et laissant ainsi se propager des famines qui continuent de nous nuire aujourd’hui.
Or, cette image à trop souvent tendance à persister dans l’esprit de nombreux Occidentaux, alors qu’elle ne correspond plus à la réalité du pays. Des efforts considérables ont été faits et portent leurs fruits progressivement. La sécurité alimentaire demeure une priorité pour le
gouvernement. Mais surtout, l’Ethiopie vit aujourd’hui une phase de forte croissance, qu’accompagne le développement de nombreux secteurs de l’économie.

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